Le professeur Christian Happi, directeur de l’African Centre of Excellence for Genomics of Infectious Diseases (ACEGID), à l’Université Redeemers à Ede, dans le sud-ouest du Nigeria, le 2 juin 2020.
Une nouvelle variante du coronavirus, différente de celle signalée en Afrique du Sud, mais qui « partage certaines mutations avec celle découverte au Royaume-Uni » a été identifiée au Nigeria par le Pr Christian Happi, sans qu’un lien puisse être établi avec l’accélération des contaminations, prévient-il.
Après cette annonce discrète, faite cette semaine par le Centre d’excellence africain de recherche génomique et des maladies infectieuses (Acegid), basé à Ede, dans le sud-ouest du Nigeria, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), dépendant de l’Union africaine, a organisé une réunion en urgence.
Lors d’une visioconférence depuis Addis Abeba, John Nkengasong, directeur du CDC, a annoncé que des échantillons supplémentaires allaient être testés pour avoir une idée du taux de propagation de cette nouvelle variante au Nigeria.
En attendant, le professeur Happi, biologiste moléculaire à l’origine du séquençage génétique de cette variante, appelle à ne pas tirer de conclusions hâtives, dans un entretien avec l’AFP.
Sur 200 échantillons du virus analysés par l’Acegid début décembre, deux, prélevés sur des patients le 3 août et le 9 octobre, montrent des mutations génétiques, indique-t-il.
« Nous n’avons aucune preuve que cette variante soit liée à la hausse des cas à laquelle on assiste actuellement au Nigeria, nous n’en avons aucune idée », précise-t-il.
Le Nigeria comptait officiellement samedi plus de 82.000 cas pour 1.246 morts, des chiffres encore relativement bas, mais le nombre de tests effectués dans le pays le plus peuplé d’Afrique est insignifiant par rapport à ses 200 millions d’habitants et le nombre de cas positifs a augmenté de plusieurs centaines chaque jour depuis le début du mois.
Variante « pas importée » ?
Grâce au séquençage génétique du virus, une opération ultra-perfectionnée que seuls 12 laboratoires peuvent effectuer sur tout le continent, le professeur Happi et son équipe ont pu retracer l’évolution de la mutation.
« Nous ne savons pas d’où vient cette nouvelle variante. Nous pensons qu’elle est indépendante, qu’elle est apparue au Nigeria. Je ne pense pas qu’elle ait été importée », souligne le biologiste.
Cet ancien professeur de l’université américaine de Harvard, spécialisé dans les maladies infectieuses, rappelle toutefois que « les virus mutent et changent » de manière naturelle.
« Ce n’est pas la mutation qui est importante, mais la transformation de la protéine de pointe », la partie du virus qui permet l’accès aux cellules du corps, et qui rendrait donc cette mutation plus contagieuse, précise-t-il.
Pour l’instant, les recherches sont insuffisantes et l’Acegid travaille avec le Centre des maladies infectieuses du Nigeria (NCDC) pour essayer d’expliquer la hausse récente des contaminations et si cette variante peut en être la cause.
Ce qui semble néanmoins certain, c’est que le taux de létalité, relativement faible au Nigeria, comparé aux pays occidentaux, n’a pas augmenté dernièrement.
« J’appelle la population ne pas extrapoler », s’inquiète le chercheur. « Rien ne nous prouve par exemple que la variante trouvée en Angleterre aurait les mêmes effets au Nigeria », et vice versa, dit-il rappelant à quel point les modèles mathématiques élaborés dans une région du monde se sont révélés inopérants dans d’autres.
« Certains avaient prédit qu’un tiers de l’Afrique mourrait du virus, mais nous ne pouvons pas appliquer les recherches et les données rassemblées en Europe et aux Etats-Unis et les transposer ici: nous sommes différents génétiquement et sur le plan immunitaire », insiste-t-il.
AFP/ Bisonews.Cd