La Cour de cassation a décidé de libérer provisoirement l’ancien directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, condamné à 13 ans de prison pour détournement de fonds publics. Une décision qui intervient alors que le président fait le compte de ses alliés pour la présidentielle de 2023.
La libération conditionnelle de Vital Kamerhe est-elle politique ? On peut se poser la question alors que ses soutiens avaient déjà dénoncé « une affaire politique » lors de sa condamnation à 13 ans de prison en appel en juin 2020. Officiellement, la Cour de cassation a motivé sa décision par le dossier médical « très critique » du patron de l’Union pour la nation congolaise (UNC). Il faut dire que depuis août 2020, Vital Kamerhe ne dormait déjà plus à la prison de Makala, mais à la clinique Nganda, « pour raisons sanitaires ». L’ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi a pu regagner son domicile lundi 6 décembre, dans la soirée, après avoir payé une caution de 500.000 dollars. Ses déplacements sont limités et soumis à l’autorisation de la justice.
La main présidentielle ?
Le procès des « 100 jours » s’était déroulé dans une ambiance électrique. Les proches de Vital Kamerhe dénonçaient une instrumentalisation de la justice à des fins politiques afin d’écarter un concurrent gênant pour la présidentielle de 2023. Le président de l’UNC avait été condamné pour détournement de près de 50 millions de dollars alloués à la construction de maisons préfabriquées pour des militaires et des policiers, dans le cadre du programme des « 100 jours », qui devait lancer le mandat présidentiel.
Allié politique de Félix Tshisekedi pendant les élections de 2018, les deux hommes avaient signé un accord selon lequel Vital Kamerhe devait se présenter en 2023. Mais après sa condamnation, les cartes se trouvent rebattues, puisque l’ancien directeur de cabinet n’a plus la possibilité légale de se présenter à la magistrature suprême. Derrière cette libération provisoire, et même si Vital Kamerhe peut retourner en prison, certains y voient la main présidentielle guidées par quelques arrières-pensées politiques.
Une libération qui tombe à point nommé
Félix Tshisekedi cherche à consolider l’Union sacrée, sa plateforme politique, qui bénéficie d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mais à l’approche de 2023, le président congolais, qui brigue un second mandat, fait le compte de ses soutiens, et l’UNC de Vital Kamerhe reste une composante importante pour l’équilibre politique de son mouvement, composé en majorité d’ex-FCC pro-Kabila qui pourraient s’avérer versatiles. L’UNC et ses députés fait partie intégrante de l’Union sacrée et possèdent même 4 ministres et 1 vice-ministre au sein du gouvernement Sama Lukonde. A l’heure où Ensemble, la formation de Moïse Katumbi, réfléchit à quitter l’Union sacrée, Félix Tshisekedi est au petit soin avec le parti de Vital Kamerhe, très puissant, notamment au Sud-Kivu. La petite bouffée de liberté accordée par la Cour de cassation au patron de l’UNC tombe à point nommé.
Pourtant, la liberté provisoire accordée à Vital Kamerhe fait grincer quelques dents. Georges Kapiamba, le coordonateur de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) qualifie la décision de la Cour de cassation de « scandale judiciaire ». Sur Radio Okapi, le défenseur des droits estime « qu’encore une fois, la politique vient s’immiscer dans la justice », mais surtout que « cette libération vient porter un coup dur au projet de la lutte contre la corruption prôné par le Chef de l’Etat ». La justice semble, en effet, « sélective », en ciblant des opposants politiques, des proches de Joseph Kabila, ou des concurrents à écarter. Avant Vital Kamerhe, l’ancien ministre de la santé, et membre de l’UDPS le parti présidentiel, Eteni Longondo, a lui aussi bénéficié de liberté provisoire. Une justice qui semble être décidément à deux vitesses.Christophe Rigaud
Afrikarabia