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La lune de miel entre Tshisekedi et Kagame est bien finie

Nouveau jeu dangereux à la frontière entre le Rwanda et la RDC. Les tensions communautaires ravivées sur la frontière mais pas seulement.

Samedi 28 mai, de nuit, à la suite d’un Conseil supérieur de la défense, qualifié d’extraordinaire par les autorités congolaises, présidé par Félix Tshisekedi, la République démocratique du Congo a décidé une série de mesures conservatoires vis-à-vis de son voisin rwandais.

Parmi celles-ci, la suspension des vols de la compagnie Rwand’Air, pour protester contre le soutien que Kigali apporterait à la rébellion du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, selon le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya.

Quelques heures auparavant, en conclusion d’un forum régional sur la lutte contre le terrorisme qui se déroulait à Malabo, en Guinée équatoriale, le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta avait démenti les accusations congolaises sur l’implication du Rwanda au côté du M23, lancées notamment par son homologue congolais Christophe Lutundula pour qui il ne fait aucun doute “que le Rwanda est derrière les attaques du M23”.

Le ministre rwandais balayait d’un revers de la main, rappelant que les M23 sont “des ressortissants congolais ayant des griefs contre leur propre gouvernement. Nous tenons donc à souligner qu’il s’agit d’un problème interne congolais, qui doit être résolu en interne”, tout en évoquant les “liaisons dangereuses” entre l’armée nationale congolaise et les FDLR (Hutus rwandais installés en RDC depuis le génocide de 1994). “Depuis près de trente ans, il existe une collaboration constante entre les FARDC et le groupe armé FDLR rwandais basé à l’Est de la RDC.”

Un jeu de ping-pong verbal aussi dangereux que stérile, qui ramène dix ans en arrière quand le pouvoir de Joseph Kabila faisait face aux mêmes rebelles du M23 bénéficiant, selon un rapport des Nations unies, “d’un soutien important militaire, financier et politique de la part de membres haut placés du gouvernement rwandais” avant que les rebelles ne soient défaits par l’armée congolaise en novembre 2013 et que l’accord de Naïrobi entérine la dissolution du M23.

Promesses non tenues

Aujourd’hui, dans un long communiqué, le M23, qui a repris ses confrontations directes avec l’armée congolaise, accuse le pouvoir de Félix Tshisekedi de ne pas avoir respecté ses engagements à son égard et pointe aussi la responsabilité de certains hauts gradés congolais qui “ne veulent pas de la paix qui mettrait à mal leur juteux business”.

“Il y a le règne des anti-valeurs et des promesses non tenues”, explique un spécialiste de la région. “C’est dangereux car, à travers ce dossier, on voit réapparaître les tensions communautaires. La mise en avant de cette question, notamment à travers le projet de loi sur la congolité qui visait à éliminer des poids lourds de la course à la présidence, a fait ressurgir des tensions dans différents coins du Congo. On voit réapparaître des discours clairement racistes. Certains Tutsis installés en RDC ne cachent plus qu’ils se sentent désormais en insécurité.”

Le calendrier politique s’accélère en RDC à 18 mois de la présidentielle. Tshisekedi, s’il veut organiser ce scrutin, doit trouver rapidement une solution pérenne à l’insécurité dans l’Est. Il ne peut imaginer organiser des élections avec deux provinces en état de siège… Ce chaos pourrait d’ailleurs aussi justifier un report du scrutin.

Désamour

Depuis son accession au pouvoir, Félix Tshisekedi a multiplié les contacts avec son voisin rwandais. Mais, depuis le début de cette année, ce sont surtout les tensions qui se développent. Les crispations communautaires en RDC déplaisent à Kigali, mais aussi à Kampala et, en particulier, au fils du président Museveni, Muhoozi Kainerugaba. Le chef de l’armée ougandaise, présenté comme le futur du pouvoir dans ce pays, a expliqué récemment toute sa détermination à lutter contre les “Interahamwe dans l’Est de la RDC. Des criminels qui ont massacré nos frères et sœurs en 1994. Le temps des bavardages touche bientôt à sa fin”.


La Libre AFRIQUE

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