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Multiples Agences Rattachées à la Présidence en RDC : Entre Redondance et Interrogations Budgétaires

Depuis son accession à la magistrature suprême, le Président congolais Félix Tshisekedi déploie une prolifération d’entités gouvernementales et d’agences étroitement affiliées à la Présidence de la République. En mars 2020, en pleine crise sanitaire due à la pandémie de coronavirus, le Chef de l’État a pris l’initiative de créer par ordonnance présidentielle trois agences directement rattachées à la Présidence : l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC), le Conseil Présidentiel d’Éveil Stratégique (CPVS) et l’Agence Congolaise de Transition Écologique et de Développement Durable.

Le rythme frénétique de création s’est poursuivi avec l’établissement ultérieur de l’Agence pour le Développement Numérique et de l’Agence pour l’Amélioration du Climat des Affaires. Plus récemment, l’Office National de Pêche et d’Aquaculture (ONPA), la Caisse de Solidarité Nationale et de Gestion des Catastrophes Humanitaires, l’Autorité de Contrôle et de Régulation des Marchés des Substances Minérales Stratégiques et le Corridor de Développement Industriel (DGCDI) sont venues s’ajouter à cette liste en constante expansion.

Cependant, l’éventail croissant de ces agences, créées pour certaines sans mandat clairement défini, suscite des questionnements quant à leur justification dans un contexte où l’appel à la réduction des dépenses publiques retentit. Les interrogations affluent : ces agences ne renforcent-elles pas la voracité budgétaire des institutions en République Démocratique du Congo ? Ont-elles fait l’objet d’une budgétisation adéquate ? Présentent-elles une réelle utilité pour le pays ?

Une Confusion des Missions qui Interpelle

Pour Jacques Mukena, éminent chercheur en gouvernance au sein d’Ebuteli, l’Institut Congolais de Recherche sur la Politique, la Gouvernance et la Violence, la prolifération de ces agences se révèle problématique à bien des égards.

« Il est notable en premier lieu que certaines de ces nouvelles agences se voient dotées de missions mal définies et qu’elles empiètent sur les compétences d’institutions déjà établies, telles que les ministères sectoriels. À titre d’exemple, l’Agence pour l’Amélioration du Climat des Affaires semble avoir vidé de sa substance l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (ANAPI). De même, l’Agence de Contrôle et de Lutte contre la Corruption empiète sur le champ d’intervention de l’Inspection Générale des Finances (IGF), qui relève également de la Présidence de la République« , analyse Jacques Mukena.

En effet, les résultats récents d’un sondage gouvernance mené par Ebuteli indiquent que la majorité des Congolais sondés considèrent que l’IGF mène un travail plus efficace dans la lutte contre la corruption que l’APLC.

Jacques Mukena souligne également que ces agences ne sont pas soumises au même niveau de contrôle, de surveillance et de redevabilité que les ministères et autres institutions, ce qui génère une concentration disproportionnée du pouvoir entre les mains du Président.

« Les ministères sectoriels, à titre d’exemple, sont soumis à un examen parlementaire, instaurant ainsi une transparence accrue et une obligation de rendre compte. À l’inverse, ces nouvelles agences sont directement rattachées à la Présidence, favorisant une concentration excessive du pouvoir présidentiel. Cette dynamique peut laisser présager l’existence d’un gouvernement parallèle et informel, car ces agences jouissent d’une certaine autonomie dans leurs actions, échappant en partie aux mécanismes de reddition de compte devant le parlement ou d’autres instances de contrôle indépendantes », ajoute-t-il.

Une Vision Déroutante des Mandats

Dans la même optique, Florimond Muteba, Président du Conseil d’Administration de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), qualifie de confuse la distribution des missions au sein des multiples agences nouvellement instaurées par rapport aux institutions étatiques déjà existantes.

« Certaines agences font office de doublons par rapport à d’autres structures étatiques. Par exemple, l’APLC semble pratiquement reproduire le travail de la Cour des Comptes et de l’IGF. Était-il impératif de mettre en place une entité similaire ? La cellule de lutte contre les antivaleurs, quant à elle, se superpose aux compétences du Ministère de la Justice. Cette superposition engendre un gaspillage inutile des fonds publics. En ce qui concerne l’Office National de Pêche et d’Aquaculture, le ministère en charge de la Pêche est déjà mandaté pour encadrer les pêcheurs et les PME du secteur à travers le pays. Une entité supplémentaire ne semble guère nécessaire. Pour les questions relatives à la transition écologique, il est légitime de confier cette mission au Ministère de l’Environnement », souligne Florimond Muteba.

Un Renforcement de la Nature Budgétivore de l’État

Selon Jacques Mukena, le caractère budgétivore inhérent à la création de ces nouvelles agences demeure une préoccupation majeure. En effet, leur mise en place occasionne des coûts nouveaux, notamment liés au recrutement de personnel, aux frais de fonctionnement et aux salaires. Cette charge financière considérable pèse lourdement sur les finances publiques.

« Ces dépenses s’inscrivent dans les charges de fonctionnement de la présidence, exigeant ainsi l’affectation de ressources conséquentes pour garantir leur opérationnalité. À noter toutefois que certaines agences bénéficient de financements extérieurs, en provenance d’organismes internationaux ou de bailleurs de fonds. Néanmoins, pour d’autres, le gouvernement doit débloquer des sommes significatives afin d’assurer leur fonctionnement. Cette situation entraîne le détournement de fonds destinés à d’autres secteurs prioritaires qui pourraient davantage bénéficier d’investissements », déplore-t-il.

De son côté, le PCA de l’ODEP estime que la majorité de ces nouvelles agences sont en proie à une tendance budgétivore inutile.

La Réduction du Train de Vie de l’État en Question

Alors que le gouvernement appelle la population à consentir des sacrifices pour faire face à des défis majeurs tels que la guerre dans l’Est du pays, l’existence de certaines institutions, dont la Présidence, semble en décalage avec les efforts de rationalisation des dépenses.

Plusieurs rapports, y compris ceux émanant de l’ODEP (Observatoire de la Dépense Publique), mettent régulièrement en exergue les dépassements budgétaires constatés au sein des institutions, y compris au sein de la Présidence. Ce constat suscite des inquiétudes, le dépassement budgétaire étant une forme de mauvaise gestion.

Le dernier sondage de l’Institut Ebuteli révèle qu’une majorité dépassant les 60 % des personnes interrogées estiment que le gouvernement congolais ne parvient pas à réduire le train de vie des institutions de manière efficace.

Dans un pays où l’appel à l’austérité résonne avec force, l’érection continue d’agences à la mission souvent floue et leur implication financière soulèvent des questions pressantes quant à leur pertinence et à l’impact sur les ressources déjà restreintes. La focalisation sur des entités rattachées à la Présidence, avec une surveillance moindre que celle appliquée aux ministères traditionnels, ouvre la porte à des débats sur l’équilibre des pouvoirs et la gestion responsable des finances publiques.

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