Au sein de la République Démocratique du Congo, le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) a exposé une réalité inquiétante : la chaîne de la dépense publique ne suit plus son cours normal.
Le Ministre des Finances a fait usage du compte général du Trésor au cours de l’exercice budgétaire de 2022 en recourant à des lettres simples, omis les Ordres de Paiement Informatisé (OPI). Cette action constitue une transgression flagrante du Manuel Révisé des Procédures ainsi que du Circuit de la Dépense Publique instauré en 2010. Cette situation a eu pour conséquence :
- L’utilisation de 2,9 milliards de dollars sans l’aval préalable du Parlement ;
- Le décaissement d’urgence de 1,3 milliard de dollars à la Banque Centrale du Congo ;
- L’enregistrement d’un déficit budgétaire s’élevant à 1,1 milliard de dollars, alors que la Cour des Comptes en estime le montant à 1,6 milliard de dollars.
D’autres pratiques répréhensibles sont à signaler :
- Le paiement de 21 créances, totalisant 5 millions de dollars, sans certification préalable de la Direction Générale de la Dette Publique (DGDP) et l’émission de 162 dossiers de la dette intérieure d’une valeur de 94 millions de dollars en procédure d’urgence ;
- Le versement de 14,2 millions de dollars au titre du salaire du Président de la République, contre des prévisions annuelles de 152 112,67 dollars, soit un taux d’exécution de 9 366,03 % ;
- Le décaissement irrégulier de 8,3 millions de dollars en faveur de Rawbank au titre d’investissements ;
- L’absence de traçabilité concernant un décaissement de 34 millions de dollars de la Banque Africaine de Développement (BAD) en faveur du projet d’opérationnalisation de la Zone Économique Spéciale de Maluku ;
- Le manque d’information quant aux emplois rémunérés qui ont conduit à un dépassement de 900 millions de dollars ;
- Bien que les crédits d’investissement aient atteint 3,9 milliards de dollars, le rapport du Ministère des Finances omet de fournir des détails sur les infrastructures construites ou réhabilitées, telles que les écoles, les kilomètres de routes, les centres de santé, etc. ;
- L’absence d’un rapport explicatif concernant les dépassements budgétaires enregistrés au cours de l’exercice 2022 ;
- Le défaut de contrôle au sein du circuit budgétaire.
Concernant les fonds transférés aux provinces et aux Entités Territoriales Décentralisées (ETD) :
- 80 % des fonds transférés par le Trésor Public ont été utilisés par les gouverneurs et les Assemblées Provinciales, laissant un montant de 41,4 millions de dollars non tracé ;
- Parmi les 26 provinces, seule la ville de Kinshasa n’a pas reversé aux communes la rétrocession reçue du Trésor Public, estimée à 20,8 millions de dollars ;
- Les provinces et les ETD à vocation minière ont bénéficié des moyens financiers considérables ;
- Le crédit de la Caisse Nationale de Péréquation n’a pas été activé, et les crédits d’investissements destinés aux ETD défavorisées sont restés insignifiants.
Cette reddition de comptes alarmante démontre que le budget 2022 n’a pas réussi à atténuer le chômage ni à réduire la pauvreté. Au contraire, les inégalités sociales et les pratiques de gouvernance douteuses se sont encore renforcées. Le CREFDL recommande instamment au Gouvernement de respecter la Loi des Finances de l’année, le Circuit de la Dépense Publique et le Pacte de Stabilité Monétaire pour répondre aux priorités de la population. La réactivation de la fonction de contrôle préalable, avec la participation des contrôleurs budgétaires, devrait être une priorité absolue pour le Gouvernement.
« 80 % des fonds transférés par le Trésor Public ont été utilisés par les gouverneurs et les Assemblées Provinciales. Un montant de 41,4 millions de dollars reste non tracé. » – Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL)