Par Manassé Kitemoko Kosi
GOMA, RDC – Le mardi 24 octobre, les affrontements entre les rebelles du M23 et les groupes armés pro-gouvernementaux dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ont pris un tournant inquiétant, se rapprochant à seulement vingt kilomètres au nord de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
La situation, qui s’était déjà aggravée au début du mois d’octobre, semble désormais atteindre un point critique. Selon des sources sécuritaires anonymes, des combats violents ont éclaté à Kibumba, mettant aux prises les rebelles du M23 et les groupes armés locaux surnommés « wazalendo« , se réclamant « patriotes ». Des rapports indiquent que le M23 a tiré deux bombes, provoquant une réponse immédiate des forces gouvernementales et de ces groupes armés pro-gouvernementaux.
Malgré l’appel à un cessez-le-feu régional, les hostilités persistent, évoquant la possibilité d’une collaboration tacite entre l’armée congolaise et ces groupes « patriotes » pour contrer le M23, que l’on soupçonne d’être soutenu par le Rwanda.
Dans un communiqué publié dans l’après-midi, le porte-parole du gouverneur militaire a accusé les rebelles du M23 d’avoir attaqué une position de l’armée, pointant du doigt une implication présumée de l’armée rwandaise dans le conflit. « Face à cette provocation, toutes les dispositions ont été prises« , a-t-il déclaré.
La population civile, prise au piège de ces combats, fait face à une situation alarmante. Les échanges de tirs nourris et l’utilisation d’armes lourdes ont contraint de nombreux habitants à fuir la zone pour chercher refuge ailleurs.
Le Bureau de coordination humanitaire des Nations unies en RDC estime que depuis le 1er octobre, près de 200 000 personnes ont été contraintes de quitter leur domicile dans les régions de Rutshuru et Masisi, situées au nord de Goma. Les affrontements, qui ont également touché le territoire de Nyiragongo, plus proche de Goma, ont causé la perte de plusieurs dizaines de vies, qu’il s’agisse de civils ou de combattants, selon des sources locales.
La tension est palpable, et les accusations fusent de toutes parts. Dans l’un de ses derniers communiqués, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a évoqué une « énième incursion » de l’armée rwandaise la semaine précédente sur le territoire congolais, alléguant que les rebelles avaient tué une cinquantaine de civils.
Cependant, le porte-parole du M23 a vivement nié ces allégations, soulignant les tensions persistantes entre les deux pays voisins.
Le M23, connu sous le nom de « Mouvement du 23 mars« , est principalement composé de membres de l’ethnie tutsi. Après une période de dormance, cette rébellion a repris les armes fin 2021 et a conquis de vastes territoires dans la province du Nord-Kivu.
Depuis fin 2022, une force de la communauté d’Afrique de l’Est est déployée dans la région, bien que sa capacité à contraindre le M23 à déposer les armes soit remise en question par les autorités de Kinshasa, tout comme celle de la Mission de l’ONU en RDC.
En mai dernier, l’armée congolaise avait accusé le Rwanda et le M23 de planifier une attaque sur Goma, une ville abritant plus d’un million d’habitants et située à la frontière rwandaise.
Le mardi dans la province du Nord-Kivu ressemble à une triste répétition des trois dernières décennies d’instabilité dans l’est congolais. La matinée a été marquée par une nouvelle tragédie, avec au moins 26 morts signalés dans le territoire de Beni, au nord de la province, une zone où sévissent les ADF (Forces démocratiques alliées).
À l’origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans, les ADF sont implantés depuis les années 1990 dans cette région de l’est de la RDC, où ils ont perpétré de nombreuses atrocités contre les civils.
En 2019, ils ont prêté allégeance au groupe jihadiste État islamique, qui revendique désormais certaines de leurs actions et les considère comme sa « province d’Afrique centrale« .
Récemment, les ADF ont été accusés d’avoir tué trois personnes, dont deux touristes étrangers, sur le territoire ougandais le 17 octobre dans le parc Queen Elizabeth. Cette attaque a été revendiquée par l’EI.
Lundi soir et au petit matin mardi, des assaillants, que les autorités présentent comme des miliciens ADF, ont attaqué un quartier périphérique de la ville d’Oicha, commettant des pillages et des meurtres principalement à l’arme blanche.
La violence et l’insécurité grandissantes ont poussé les manifestants en colère à incendier des véhicules humanitaires, exprimant leur besoin criant de sécurité plutôt que d’aide humanitaire.
Dans ce contexte préoccupant, la situation dans l’est de la RDC reste tendue, et il est impératif de trouver des solutions durables pour protéger la population civile et rétablir la stabilité dans la région.