Le recours massif au vote par correspondance et un scrutin serré dans plusieurs États clés pourraient retarder l’annonce des résultats officiels. Un scénario susceptible d’inciter Donald Trump à contester les résultats.
L’élection présidentielle américaine de 2020 est bien partie pour battre des records de participation. Plus de 93 millions d’Américains ont déjà voté par correspondance ou par anticipation dans un bureau de vote prévu à cet effet contre 47 millions en 2016. Du jamais vu aux États-Unis.
« La participation devrait être la plus forte de l’histoire des États-Unis avec entre 150 et 160 millions de bulletins de vote comptabilisés », juge Jean-Éric Branaa, chercheur spécialiste des États-Unis à l’université Paris-2 Panthéon-Assas, contacté par France 24.
Problème : dépouiller l’intégralité de ces bulletins risque de prendre du temps, notamment dans les États qui n’autorisent pas le dépouillement des votes anticipés avant le jour de l’élection. C’est en particulier le cas du Michigan et de la Pennsylvanie, deux États clés dans lesquels Donald Trump et Joe Biden ont jeté toutes leurs forces ces derniers jours pour convaincre les électeurs indécis.
« Il sera impossible de dépouiller en une journée autant de bulletins, d’autant que nombre d’entre eux arriveront après le 3 novembre », affirme Romain Huret, historien des États-Unis et directeur d’études à l’École des hautes études en science sociale (EHESS), contacté par France 24. « Or, cette situation pourrait aboutir au pire des scénarios : Donald Trump déclaré vainqueur mardi soir, puis Joe Biden finalement élu une semaine plus tard après le décompte de l’intégralité des bulletins », prévient le spécialiste.
« Une posture faite pour galvaniser ses troupes jusqu’au bout »
Donald Trump répète en boucle depuis des mois que le vote par voie postale est sujet à fraude, bien que les experts soulignent qu’elle reste marginale aux États-Unis. Envoyer son bulletin par courrier est une tradition de longue date, et un vote sur quatre a été effectué ainsi en 2016.
Mais pour cette année de pandémie de Covid-19, les démocrates ont mis en avant le vote par correspondance comme un moyen sûr de voter afin d’éviter tout risque d’infection. D’où la rhétorique sur les risques de fraude employée tout au long de la campagne par le président sortant.
« Je ne crois pas que ce soit juste de devoir attendre pendant une longue période après l’élection », a estimé Donald Trump, dimanche 1er novembre, devant des journalistes, en amont d’un meeting en Caroline du Nord, avant d’indiquer qu’il solliciterait ses avocats mardi soir « dès que l’élection est terminée ».
« J’entends ses déclarations, mais il ne faut pas les prendre au pied de la lettre », veut croire Jean-Éric Branaa. « Donald Trump parlait déjà de fraude en 2016 et avait prévenu que ses soutiens descendraient dans la rue si jamais il n’était pas élu. Il refait la même chose. Ça ne veut pas dire qu’il ne concédera pas sa défaite si défaite il y a. C’est en réalité une posture faite pour galvaniser ses troupes jusqu’au bout. »
« La première fois qu’un président annonce que la transition n’est pas certaine »
Le scénario d’un pays qui se réveillerait, mercredi 4 novembre, avec deux candidats revendiquant la victoire et promettant de se battre jusqu’au bout pour le prouver serait donc à exclure ?
« C’est la première fois qu’un président annonce qu’une transition pacifique n’est pas certaine », rappelle pour sa part Romain Huret, pour qui, au contraire, tout porte à croire que l’élection sera contestée en cas de scrutin serré. « Il est certain que les républicains vont contester les résultats s’ils perdent de peu, affirme-t-il. Ils ont déjà commencé à le faire dans le Texas, où la validité de 127 000 bulletins de vote anticipés a été remise en cause devant les tribunaux. »
En 2000, les Américains avaient dû attendre plusieurs semaines avant de connaître le vainqueur de l’élection présidentielle. Le candidat républicain George W. Bush avait emporté la Floride par seulement 537 voix d’avance sur l’ancien vice-président démocrate Al Gore. Ce dernier avait donc contesté le résultat. Et alors qu’un recompte avait été ordonné par la Cour suprême de Floride, celui-ci avait été interrompu sur décision de la Cour suprême des États-Unis, faisant par la même occasion du fils de George H. W. Bush le 43e président des États-Unis.
L’histoire se répètera-t-elle ? Dans cette perspective, la nomination de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême, à seulement une semaine de l’élection présidentielle, pourrait sans nul doute bénéficier à Donald Trump.
Fr24