Étranglé, le gouvernement dos au mur
La descente des élèves dans la rue, illustre la paralysie du secteur de l’EPST, au point que certains ne proposent rien moins que la réévaluation de la politique de la gratuité de l’enseignement de base, en principe réservée de la maternelle à la 6ème année primaire
Face à ceux qui crient au complot contre le pouvoir en place, on ne peut que souhaiter un règlement rapide de ce problème car, ne perdons pas de vue que la rentrée scolaire 2021-2022 a eu lieu le 4 octobre dernier alors qu’elle a généralement lieu début septembre
Des élèves dans la rue, marchant en groupe, scandant à tue-tête « nous voulons étudier ». Hier, las de ne pas être pris au sérieux par les services du gouvernement, ils ont mis le cap vers le Palais du peuple, siège du Parlement. Après conciliabule, ils ont pu accéder au perron de bâtisse. Autre tentative de conciliation pour les faire retourner chez eux. Ils refusent. Ils veulent voir le président de l’Assemblée nationale pour poser leur problème : la reprise effective de l’année scolaire 2021-2022 et donc des enseignements. Ils sont alors dirigés vers la salle des spectacles.
En bon père de famille, Jean-Marc Kabund rassure les élèves : votre place n’est pas dans la rue, votre place est à l’école ou à la maison. Photo Droits Tiers
À la porte de celle-ci, ils scandent : « Nous voulons étudier » et lancent : Félix, papa avait dit, le peuple d’abord ». La salle est quasiment comble. Jean-Marc Kabund, premier vice-président de la chambre basse du Parlement accepte de leur parler. Il leur dit qu’il comprend leur désappointement. Il leur fait savoir que leurs enseignants sont régulièrement payés, mais exigent plus et promet qu’une solution sera trouvée rapidement afin que les cours commencent dans le secteur de l’enseignement public. Il leur fait savoir que leur place n’est pas dans des manifestations dans la rue, mais à l’école ou à la maison, le tout sur le ton d’un parent qui s’adresserait à ses enfants.
Malentendu
La descente des élèves dans la rue, illustre la paralysie du secteur de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, au point que certains proposent rien moins que la réévaluation de la politique de la gratuité. Ils estiment que la mise en vigueur de la gratuité devrait obéir aux dispositions constitutionnelles, qui réservent la gratuité à l’enseignement de base, en principe de la maternelle à la 6ème année primaire. Certains affirment même que l’enseignement de base s’arrête à la 4ème année primaire.
Au-delà de ce débat sur la notion de l’enseignement de base, force est de constater que la gratuité a été implicitement étendue à tout l’enseignement primaire et secondaire, soit de la 1ère année primaire à la 6ème année du secondaire. Des gestionnaires d’écoles qui avaient tenté, l’année dernière, de faire payer les élèves des classes au-delà de la 6ème année primaire ont été menacés de révocation après avoir été épinglés par les services de sécurité sur dénonciation des parents d’élèves. Ces derniers affirment, sans qu’ils ne soient contredits par les autorités étatiques à tous les niveaux, que la gratuité s’applique à tout l’enseignement primaire et secondaire.
Recevant les élèves dans la salle des spectacles du Palais du peuple, le 1er Vice-Président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund les a assurés qu’une solution sera trouvée incessamment pour mettre fin à la grève des enseignants. Photo Droits Tiers
La coupe est tout de même amère à avaler pour des enseignants qui étaient habitués à empocher jusqu’à 400 USD de « prime » mensuelle grâce à la fameuse et très contestée « contribution des parents ». Si certains enseignants des « grandes écoles » ou écoles de « référence » touchaient jusqu’à 400$ de « prime mensuelle », combien gagnaient les autres intervenants dans la chaîne des écoles publiques et conventionnées ? Des gens ont largement profité de cette manne, se faisant une fortune sur le dos des parents.
Pour d’aucuns, ce sont ces bonzes tapis dans l’ombre qui manipulent les enseignants et les poussent à la grève, tandis que les enseignants manipuleraient à leur tour les élèves pour les obliger à manifester dans la rue.
Réglez ce problème
Face à ceux qui crient au complot contre le pouvoir en place, on ne peut que souhaiter un règlement rapide de ce problème. On rappelle que la rentrée scolaire 2021-2022 a eu lieu le 4 octobre dernier alors que la rentrée a généralement lieu début septembre.
A cause de la pandémie de Covid-19, l’année scolaire 2020-2021 avait connu un retard, entraînant un ajustement du calendrier. Cet aménagement a eu des répercussions sur l’année en cours, qui a débuté avec un mois de retard.
Ce retard s’accentue dans la mesure où près de trois semaines après la rentrée scolaire, les cours n’ont pas repris dans le secteur public.
Les revendications des « mangeurs » de la craie sont pourtant connues : application des accords précédents gouvernement – syndicats qui accordent des augmentations salariales, suppression des zones salariales discriminatoires aux enseignants des milieux ruraux, paiement des « non payés », intégration des « nouvelles unités », réintégration des enseignants et écoles « désactivés ».
Face à la grogne, le ministre de l’EPST a obtenu du gouvernement l’application progressive des accords antérieurs. C’est ainsi qu’il sera ajouté, dès la paie d’octobre, 20.000 fc à tous les enseignants. Ceux des milieux ruraux recevront en plus une « prime de brousse » de 20.000 fc. Pour eux, le salaire sera donc ajusté de 40.000 fc supplémentaires en octobre.
Il est par ailleurs annoncé la reprise bientôt des négociations entre le gouvernement et les syndicats des enseignants.
Voilà qui devrait détendre en principe une atmosphère conflictuelle, où ministre et enseignants semblaient engagés dans un bras de fer aux conséquences lourdes pour l’année scolaire.
Pour satisfaire rien que le premier palier des derniers accords, soit une augmentation de 100.000 fc, le trésor public devrait augmenter l’enveloppe salariale mensuelle des enseignants de 68 milliards de fc, soit 34 millions $ US pour satisfaire les 680.000 enseignants du public.
Est-ce possible ? Est-ce irréaliste ? Le gouvernement Sama Lukonde a, il faut le reconnaître, hérité d’une vraie patate chaude du gouvernement Sylvestre Ilunga. A lui de trouver une solution, et le plus rapidement possible afin d’éviter que les élèves continuent à manifester dans la rue, à leur risque et péril.
Kumbu Mona