Un climat d’émotion et de stupeur enveloppe encore Mwene-Ditu, petite ville de la province de Lomami, après l’assassinat de deux travailleurs chinois sur le chantier de réhabilitation de la Route Nationale numéro 1. L’incident, survenu en plein jour, a brutalement mis en lumière les tensions latentes qui peuvent émerger dans des contextes de coopération internationale.
Les faits remontent au matin du mercredi 1er janvier 2025. Un policier congolais, excédé par un différend concernant des vivres de fin d’année, a tiré à bout portant sur deux employés chinois travaillant pour une entreprise impliquée dans la reconstruction de cet axe routier stratégique. Le drame a éclaté lorsque ce policier, qui ne figurait pas sur la liste des bénéficiaires de la distribution alimentaire, s’est senti offensé par le refus des employés de lui remettre une part. Armé et déterminé, il a ouvert le feu, tuant deux personnes sur place et blessant grièvement une troisième, transportée en urgence à Kinshasa pour recevoir des soins spécialisés.
À Kinshasa, cet acte a provoqué une onde de choc au sein des autorités. Une réunion de crise s’est tenue dès le lendemain, présidée par Gracia Yamba Kazadi, vice-ministre des Affaires étrangères. Devant la presse, Jean Rigobert Tshimanga Musungayi, secrétaire général à l’Intérieur et Sécurité, a tenu à rassurer sur l’engagement du gouvernement à traquer le responsable de cet acte, qualifié de gravissime. « Nous sommes déterminés à faire justice. Toutes les dispositions sont prises pour retrouver ce policier en fuite. Il devra répondre de ses actes devant la loi« , a-t-il martelé.
L’affaire a rapidement pris une dimension diplomatique. L’ambassadeur de Chine en RDC, Zhao Bin, s’est entretenu avec les autorités congolaises afin d’obtenir des garanties sur la sécurité de ses compatriotes. Ces échanges, bien que cordiaux, n’ont pas dissipé les inquiétudes des investisseurs chinois qui jouent un rôle clé dans le développement d’infrastructures majeures en RDC. Malgré les assurances données, cet événement pourrait laisser des séquelles dans la relation entre les deux pays.
Sur le terrain, l’enquête progresse lentement. Le brigadier Mutombo Kanyemesha, connu sous le surnom de « Méchant méchant », reste introuvable. La population locale, encore sous le choc, hésite à coopérer avec les enquêteurs, craignant des représailles. Ce silence alimente les spéculations sur une possible fuite vers une région voisine. Le colonel Bora Uzima Justin, chargé de l’enquête, a appelé la population à collaborer, rappelant l’importance de garantir un climat de sécurité pour la poursuite des travaux.
L’enjeu dépasse largement ce tragique fait divers. La Route Nationale numéro 1 est considérée comme un maillon essentiel dans l’intégration économique de plusieurs provinces du pays. Sa réhabilitation, financée en partie grâce à des partenariats avec la Chine, devait marquer une étape clé dans l’amélioration des échanges commerciaux. Désormais, les habitants de Mwene-Ditu redoutent que cet incident n’entraîne un ralentissement, voire une suspension des travaux, mettant en péril leurs espoirs de désenclavement.
Pour la République Démocratique du Congo, ce drame constitue un test délicat. Il s’agit non seulement de garantir justice, mais aussi de préserver des relations bilatérales stratégiques avec un partenaire de premier plan. À plusieurs reprises, les présidents des deux pays ont réaffirmé leur engagement à renforcer leur coopération. Mais, comme l’a confié un observateur proche du dossier, « ce type d’incident peut fissurer une relation, même lorsqu’elle repose sur des bases solides. »
Le temps presse pour les autorités congolaises, à la fois sur le plan judiciaire et diplomatique. Si la résolution de cette affaire est attendue avec impatience, elle devra s’accompagner d’un message fort pour rassurer la communauté internationale sur la capacité du pays à garantir un environnement sûr et propice aux investissements.
— Peter MOYI