La communauté journalistique et les défenseurs des droits de l’homme sont en deuil suite à la tragique disparition de Stéphie Mukinzi, un journaliste engagé et courageux, dont les enquêtes audacieuses sur les conditions de vie précaires de la population aux abords des mines chinoises Ruashi Mining et ZIJIN avaient suscité des menaces de mort. Cette disparition, survenue le dimanche 3 septembre 2023, à Orléans, en France, lors de ses vacances, reste enveloppée de mystère, et une enquête est en cours pour élucider les circonstances de sa mort.
Stéphie Mukinzi, rédacteur en chef du média politico.cd et fondateur de Mines.cd, était un étudiant talentueux de l’Université catholique du Congo (UCC) et de l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC). Ses premières incursions dans le journalisme se sont déroulées chez Africa News. En tant que patriote engagé, il était un membre actif du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) et se battait sans relâche pour les droits des citoyens congolais. Mukinzi était reconnu comme un lanceur d’alerte intrépide, particulièrement dans le secteur minier du Grand-Katanga et du Grand-Kivu.
Lors de son séjour au Grand Katanga pour le Mining Week, du 12 au 14 juin 2023, Stéphie Mukinzi a profité de sa double casquette de journaliste et de lanceur d’alerte pour enquêter sur les conditions de vie déplorables de la population vivant à proximité des mines de cuivre et de cobalt. Ces mines, exploitées par les entreprises chinoises Ruashi Mining et ZIJIN, génèrent des milliards de dollars, mais les communautés locales sont plongées dans une extrême pauvreté, leurs environnements de vie dégradés.
La mine Ruashi, une exploitation à ciel ouvert située à proximité de Lubumbashi, est gérée par Ruashi Mining Sarl, une filiale de la multinationale chinoise Jinchuan Group Limited, en partenariat avec la société minière nationale, la Générale des carrières et des mines (Gécamines). ZIJIN, une multinationale chinoise majeure dans le secteur minier, exploite également plusieurs mines en RD Congo, notamment Kamoa-Kakula et les Mines de Kolwezi, et cherche activement à exploiter les ressources en lithium du pays.
Les enquêtes de Stéphie Mukinzi ont exposé les conditions de vie inhumaines des populations du Grand Katanga vivant à proximité des mines de Ruashi Mining Sarl, confrontées à la pénurie d’eau, à la famine, à la pollution de l’eau et de l’air, alors que ces mines rapportent des milliards de dollars chaque année.
La situation est similaire dans le village de Kapepa, où ZIJIN exploite le cuivre et le cobalt, mais où la population ne dispose même pas d’écoles ni de centres de santé. Cette population survit avec moins de 1,5 dollar par jour. Malgré les obligations en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), la Compagnie Minière de Musonoi (COMMUS) du groupe ZIJIN n’a pas construit d’écoles ni de centres de santé, comme l’a révélé l’enquête de Mukinzi.
Stéphie Mukinzi a été la cible de menaces de mort, ainsi que ses proches. Son propre père a reçu des appels anonymes l’avertissant des dangers encourus par son fils en raison de ses enquêtes. Les menaces se sont multipliées à mesure que la date de publication de ses révélations sur Ruashi Mining, ZIJIN et d’autres sociétés minières approchait. Des tentatives d’enlèvement et des agressions physiques ont été perpétrées à son encontre à Lubumbashi.
Le courage de Mukinzi était inébranlable. Malgré les menaces et les pressions, il avait annoncé sur Twitter son intention de publier ses enquêtes, ce qui lui a valu un mandat de comparution émis par la justice congolaise.
Stéphie Mukinzi laisse derrière lui un héritage de journalisme d’investigation courageux et de défense intransigeante des droits des citoyens congolais. Sa disparition prématurée est une perte immense pour le journalisme et les droits de l’homme en République démocratique du Congo, et elle souligne la nécessité de protéger les journalistes engagés qui osent dénoncer les injustices.