Peut-être un tournant sur le plan diplomatique. Même si Kinshasa attendait beaucoup plus qu’une simple condamnation déclarative de la part de l’organisation des Nations unies, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a reconnu et évoqué au moins « une guerre par procuration de la part de Kigali », sans expressément le désigner. Un pas vers la fin du mythe du régime de Paul Kagame.
Faut-il vraiment parler d’un effort diplomatique engagé par Kinshasa ou tout simplement, considérer que les rapports de force sur le terrain des combats, au front, font craindre une généralisation des tensions militaires dans la région des Grands lacs. La deuxième hypothèse semble plausible. C’est ce qui justifie cette alerte faite samedi par l’ONU pour appeler à la désescalade entre les armées de la République démocratique du Congo et du Rwanda.
Les tensions récurrentes entre la RDC et le Rwanda connaissent une nouvelle poussée depuis une flambée de violence le mois dernier à la frontière entre les deux pays d’Afrique des Grands Lacs, qui s’accusent mutuellement de soutien à des groupes armés et même, ces derniers jours, de frappes contre leurs territoires respectifs.
Pour quelques analystes indépendants, « les dernières bavures des Forces de Défense du Rwanda (RDF), en bombardant une école dans le Rutshuru, tuant deux élèves, est la goûte d’eau qui aurait fait déborder le vase ». Un acte démesuré, estime Kinshasa. Difficile donc pour les puissants parrains de Kigali de porter la responsabilité de ce qui ressemble bien fort à « un acte qualifiable de crime contre l’humanité ».
L’ONU préoccupée par l’utilisation des groupes armés par procuration
« Nous sommes préoccupés par la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo », a déclaré dans un communiqué Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Il a évoqué « la multiplication des attaques contre les civils » par des rébellions congolaises et « la présence persistante d’autres groupes armés étrangers », notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) opposées au pouvoir de Kigali, qui, selon le porte-parole, « continuent de menacer la stabilité régionale ».
L’ONU dit réaffirmer « son attachement ferme à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo », avant de condamner « l’utilisation de groupes armés agissant par procuration », a insisté le porte-parole. Une position qui rencontre l’avis de Kinshasa qui jusqu’ici, s’estimait floué et tourné en bourrique par les dirigeants du monde pourtant, conscients du rôle condamnable du Rwanda dans cette crise.
Pour le président congolais, Félix Tshisekedi, Kigali entretient bel et bien les M23 et qu’il est un secret de polichinelle que de vouloir à chaque fois, écouter la même musique du gouvernement rwandais qui nie tout, y compris des évidences, cas de ses propres soldats faits prisonniers au front par l’armée congolaise et dont les preuves embarassantes ont été présentées au Mécanisme conjoint de vérification.
La rencontre Tshisekedi-Kagame pour quel résultat ?
Les deux hommes tiennent en alerte leurs armées respectives, l’un sur son propre territoire (RDC) et l’autre (RDF) accusée d’avoir traversé la frontière commune pour exercer des activités militaires répréhensibles en République démocratique du Congo. Tshisekedi demande le retrait pur et simple des troupes rwandaises engagées aux combats sous l’étiquette du M23. Mais aussi la mise sur liste noire, de tous les rebelles du M23 que Kinshasa a classé dans la rubrique des « groupes armés terroristes ».
C’est à ces conditions que Tshisekedi pourrait renoncer à l’expulsion de Vincent Karega, ambassadeur du Rwanda à Kinshasa et à la rupture des relations diplomatiques avec Kigali. Pour sa part, Paul Kagame ne voudrait plus voir son pays faire l’objet d’une quelconque accusation de déstabilisation de l’Est du Congo. Même s’il ne le dit pas à haute voix, le président rwandais compte énormément sur la renommée internationale de son pays à tel enseigne qu’il ne souhaiterait pas la moindre souillure de son image. Sans exclure que Kigali espère poursuivre le partenariat conclu entre les deux pays dans le cadre de la coopération.
Ainsi, ne pas saisir la perche lui tendue par l’ONU, serait un véritable suicide pour le régime de Kagame. Attention ! Si le Rwanda n’arrête pas, l’ONU sera obligée de passer de la mise en garde ( dénonciation de la guerre par procuration), à « la condamnation ». Et le prestige du Rwanda va s’éroder en un clic.
Avec le contexte international actuel marqué par la geurre en Ukraine, le Rwanda passerait, aux yeux du monde, pour un pays agresseur comme la Russie. Voilà pourquoi avant d’en arriver là, les Nations Unies affirment apporter d’abord leur soutien aux efforts de l’Union africaine, qui a nommé le président angolais Joao Lourenço « pour désamorcer les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda ».
De son côté, le département d’Etat américain s’est dit « alarmé » par les accusations « d’attaques transfrontalières entre la RDC et le Rwanda qui ont causé la perte de vies humaines ». « Nous attendons des dirigeants congolais et rwandais un leadership responsable et constructif », a-t-il prévenu dans un tweet. La communauté internationale qui protège depuis des années le régime de Kigali (pour le génocide), commence à s’agacer. Trop de dérapages jugés insuportables. Apparemment, elle commence à hausser le ton contre son poulain, commente un diplomate africain à Addis-Abeba.
Les relations entre le Congo-Kinshasa et le Rwanda sont tendues depuis l’arrivée massive dans l’est de la RDC de Hutus rwandais accusés d’avoir massacré des Tutsis lors du génocide de 1994 au Rwanda. Un certain dégel avait suivi l’entrée en fonction du président congolais Félix Tshisekedi en 2019, mais les tensions sont à nouveau élevées depuis le mois dernier à la suite de la réactivation télécommandée du M23.
OURAGAN