L’indignation persiste face à la détention de M. Stanis Bujakera, un éminent journaliste œuvrant pour Actualité.cd et correspondant de Reuters et de Jeune Afrique en République Démocratique du Congo. L’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) et l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) expriment leur profonde préoccupation concernant cette affaire qui ébranle les fondements de la liberté de la presse et du journalisme d’investigation dans le pays.
Il convient de rappeler que Monsieur Stanis BUJAKERA a été arrêté le 8 septembre 2023 sous l’accusation d’avoir publié un article dans Jeune Afrique remettant en question le rôle des renseignements militaires dans l’assassinat de Monsieur Chérubin OKENDE, ancien ministre des Transports. Cette publication s’appuyait sur une note confidentielle présumée provenant de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR), note qui a été vigoureusement contestée par les autorités de la République Démocratique du Congo.
L’ASADHO et l’ODEP sont particulièrement préoccupés par le non-respect flagrant de la loi congolaise sur la liberté de la presse dans cette affaire, avec des constatations troublantes :
Tout d’abord, les autorités congolaises ont bafoué l’article 104 de la loi sur la liberté de la presse, qui régit le droit de réponse et de rectification. On peut légitimement s’interroger sur la raison pour laquelle elles ont omis de faire usage de cet article, préférant directement saisir la justice. Conformément à l’article 112, la personne lésée ne peut en effet recourir à la justice que si son droit de réponse lui a été refusé.
De plus, les autorités judiciaires ont exigé de M. Stanis BUJAKERA qu’il révèle sa source d’information, en violation de l’article 96 de la loi sur la liberté de la presse, qui interdit formellement aux journalistes de divulguer leurs sources.
En vertu de l’esprit de l’article 127 de cette loi, c’est le directeur de publication ou le directeur de programme qui endosse la responsabilité pénale et civile de la publication de tout article non signé dans son journal. Il est donc pertinent de se demander pourquoi M. Stanis BUJAKERA est poursuivi pour un article qu’il n’a pas signé, plutôt que de viser le Directeur de publication de Jeune Afrique.
À la lumière de ces éléments troublants, l’ASADHO et l’ODEP estiment que la détention de M. Stanis BUJAKERA est motivée par des considérations autres que celles liées à l’exercice de sa profession de journaliste. En effet, il n’a pas bénéficié de toutes les garanties prévues par la loi sur la liberté de la presse, qui vise à assurer la protection de la profession de journaliste.
Dans ce contexte, les deux organisations formulent les recommandations suivantes :
Au Président de la République, elles appellent à veiller à ce que toutes les institutions de la République respectent scrupuleusement les lois du pays, y compris celles relatives à la liberté de la presse.
Aux autorités judiciaires, elles demandent instamment de constater que les procédures prescrites par la loi sur la liberté de la presse n’ont pas été respectées avant la mise en cause d’un journaliste, et par conséquent, de libérer immédiatement M. Stanis BUJAKERA.
Enfin, elles exhortent la société civile et les médias à se mobiliser vigoureusement pour veiller à ce que les lois de la République soient strictement observées par toutes les institutions, afin d’éviter tout abus de pouvoir et tout règlement de comptes injustifié.
Fait à Kinshasa, le 2 octobre 2023.
Pour l’ASADHO
Me Jean Claude KATENDE
Pour l’ODEP
Prof. Florimond MUTEBA