La saturation exponentielle du trafic observée ces dernières années sur les artères de Kinshasa relève scandaleusement de l’équation structurelle en raison de la carence de gouvernance prospective depuis plusieurs années sur cette question.
Il se constate d’une part, un déficit très prononcé des voies secondaires et des routes périphériques, mais d’autre part, de par la configuration de la ville, la répartition déséquilibrée de la circulation en fonction des besoins en transport dans la même agglomération. Des nouvelles voies n’ont plus été construites alors que la croissance démographique et les extensions anarchiques de la grande mégapole Kinshasa n’ont cessé de prendre des proportions vertigineuses. Du coup, le besoin en mobilité des kinois, qui du reste, vivent au jour le jour dans les bidonvilles périphériques, a été rattrapé par l’offre en moyens et services de transport sur le même réseau de voirie, dont la densité n’a pas évolué en conséquence depuis 1960.
En dépit de ce déficit grave qui crève les yeux, l’enfer des embouteillages à Kinshasa aurait pu être solutionné tant soit peu si la circulation routière avait été gérée de manière efficiente par les autorités qui en ont la charge. Tenez, au croisement des boulevards kimbuta et Lumumba, pour ne prendre que cet exemple parmi des dizaines d’autres, il est inpensable que la circulation routière dans cette intersection de grande affluence ne soit réglée par des feux de signalisation modernes.
L’on y trouve par moment à peine deux ou trois policiers, plus préoccupés à rechercher les conducteurs à rançonner qu’à rendre la circulation fluide. Entre-temps, se tient encore à cet important carrefour abonné aux grands bouchons l’épave du fameux robot-roulage d’invention locale. Encore que même en marche, cet engin non homologué par la réglementation des normes internationales n’est pas approprié et à même de dissuader suffisamment les automobilistes à l’observance des règles cruciales d’intersection à ce grand espace précis.
Pour ainsi compliquer l’équation, alors que l’urgence était d’étendre le réseau de voirie là où la demande presse depuis des années, l’Etat a jugé utile d’ériger des sauts-de-mouton à plusieurs endroits des grandes artères de la ville pour réduire les embouteillages. Cependant, les travaux durent depuis plus de 18 mois, alors que dans des pays de culture de grands travaux, trois (3) mois de chantier et d’emprise sur la route auraient suffi pour livrer ces ouvrages à la circulation. En pareil cas, les études techniques, le montage financier et les constructions en atelier devraient précéder les travaux proprement dits sur site.
Malheureusement, ces chantiers interminables créent des obstructions graves à la fluidité de la circulation routière. Et comme si cela ne suffit pas, l’absence d’une police routière disciplinée, encadrée et patriotiquement motivée en rajoute à l’anarchie sur les routes de Kinshasa. Les usagers sont unanimes à pointer du doigt les brebis galeux de la police routière, mais aussi des chauffards inciviques, des motocyclistes, comme des vrais responsables du désordre dans les grands carrefours.
On n’y crée des déviations et des raccourcis en sens interdit que les conducteurs de bus et taxis, des motocyclistes empruntent pour les besoins de leurs recettes avec la complaisance à ciel ouvert des policiers de roulage. C’est le cas à « Pascal », au marché de la Liberté et à « Debonhomme » sur le boulevard Lumumba. Certains embouteillages sont carrément le fait des autorités municipales. C’est le cas à Delvaux et au rond-point Ngaba, deux exemples de cas d’embouteillage voulu où les étalages à même le sol des marchés débordent sur la route, créant des bouchons qu’on pouvait juguler si la discipline urbaine avait un sens dans l’entendement des bourgmestres de ces communes.
Tout ce qui précède indique que la ville de Kinshasa n’est gérée que là où l’autorité y a son compte. Pourtant, la question des embouteillages à Kinshasa est devenue une affaire d’État et l’on se demande qu’en font l’executif central, d’un côté et le gouvernorat de la ville de Kinshasa, de l’autre. Si les autorités civiles et la police routière y mettent le paquet, en plus de doter tous les carrefours de feux de signalisation adéquats et surveillés en permanence par des escadrons mobiles de la police routière, comme à chanimetal à Kintambo, il est possible de réduire tant soit peu le calvaire des kinois. Le président de la République s’est vu obligé d’intervenir en décidant l’achèvement de quelques sauts-de-mouton au 31 décembre 2020. Toutefois, la solution à la Tshangu ne sera que partielle. Le saut-de-mouton du marché de la Liberté non concerné par cette décision sera l’enfer qui va recueillir tous les flux jadis répartis sur les deux autres.
Daniel MAKILA K., Sénior Manager de Sociétés de Droit OHADA, Manager des Travaux Publics, Analyste Politique.